" ...Lynn Carlin est superbe. Les yeux étonnés dans un visage adolescent, elle accompagne en mesure la musique du maestro Cassavetes, les changements brusques d’ambiance, les moments où le vin devient vinaigre (...)
Tournage étrange tenant autant de l’expérience de vie en communauté que de la fabrication d’un film. Sur le plateau, tout le monde est fauché et doit se contenter de sandwiches et de spaghettis. Gena Rowlands est enceinte. Cassavetes prépare les scènes, mais pas vraiment les plans. Il pense un moment changer de chef-opérateur chaque jour, comme ça, histoire de tenter quelque chose de nouveau. Al Ruban, son directeur photo, un des rares pros du plateau, s’y oppose. Seymour Cassel, dans un entretien avec Thierry Jousse pour Les Cahiers du cinéma, rappelle que le film a été préparé de façon originale : « Nous avons répété pendant deux semaines comme pour une pièce dé théâtre; d'abord le premier acte, puis le second. Nous avions commencé à tourner et, comme l'action se passait la nuit, nous filmions à partir de 19 heures, la plupart du temps dans la maison de John et Gena. Nous répétions d'abord un peu, puis nous tournions toute la nuit. Quand John Marley, l'acteur principal, trouvait un rôle pour gagner de l'argent. nous arrêtions le tournage. II faisait du théâtre et de la télévision. Le tournage a duré six mois ». Cassavetes a aussi décidé de tout filmer, même si le résultat doit durer dix heures. Le plus souvent, il n’arrête la prise que quand il n’y a plus de film dans la caméra (...)
C'est l’occasion de découvrir la bande de visages réunis en 1964 devant une caméra mobile et inquisitrice. De voir le temps de l'explosion-implosion d’un couple de cadres supérieurs, de quelques virées nocturnes et beuveries désespérées, comment réagissent les rides de John Morley, la physionomie étonnée, lisse et secouée de Lynn Carlin, la trogne de Seymour Cassel. le sourire crispé de Val Avery. Et surtout, le visage inoubliable de Gena Rowlands..."
Edouard Waintrop, 13/02/1992