" (...) Peu de films américains évoquent la classe ouvrière avec autant de compassion sur un ton aussi réaliste. L'abrutissement au travail, les jours qui se répètent, les voitures qui ne démarrent pas, les combines pour trouver un moteur qu'on ne peut pas se payer, les enfants qui énervent parce qu'ils sont là, les couples que la réalité rattrape, l'empathie silencieuse de Stan pour les moutons qu'il égorge chaque jour à l'abattoir. Killer of Sheep est fort par ses scènes de rue, de jeu d'enfants qui observent les grands et se chamaillent constamment, des garçons qui n'aiment pas les filles, des filles qui rangent le linge pendant que leurs frères affûtent leurs frondes.(...) La caméra est proche du quartier, des corps, des objets. Chaque image est une composition nouvelle, un fait exprès qui prétendrait ne pas se faire remarquer.
On ne regrette pas que la distribution se soit battue pour acquérir les droits musicaux : la bande son est captivante tant elle renvoie à l'Amérique noire, à l'histoire, à la rage de vivre et de se faire entendre. Dinah Washington, Paul Robeson, Elmore James, des voix du passé qui rappellent que l'Amérique de la liberté et de l'oppression ne s'est pas construite en un jour.
Killer of Sheep parle des gens avant de parler de la société, ne plaint personne, n'accuse personne, ne dénonce que la difficulté de supporter l'absence de prospérité et de rester du côté de la loi que l'on dit être le bon."
Anne Crémieux