" Mocky entre toujours dans la peau de ses héros solitaires (...), en marge, happés, par le hasard et l’aventure, dans d’implacables engrenages psychologiques et sociaux (...). Solitude romanesque, certes, qui sert de support à une fureur de vivre, d’être digne de vivre, au milieu d’un monde clos sur son égoïsme, ses appétits de pouvoir, ses mensonges, ses tabous. Mythe parmi les mythes, mais mythe qui sert ici de révélateur à toute une société — la nôtre, celle de 1971 — gangrenée par l'argent, la soif du profit, la corruption, la complicité des puissants et des officiels, la coalition du fric et des flics. Une société qui est, aux yeux de Mocky, UN SCANDALE, et où le cinéaste fait éclater le scandale de l'individu qui dit non, qui se révolte, s’insurge et fait de sa passion et de sa personne une sorte d’attentat forcené à l’ordre établi. (...)
Extraordinaire équipée — dont je vous laisse le soin, et le plaisir, de découvrir les multiples péripéties car c’est mené tambour battant, sur un rythme haletant, furibond, cahotique, où le cinéaste manifeste avec plus de maîtrise que jamais, un sens du récit hérité des meilleurs « thrillers » américains (on pense notamment à Robert Mulligan, à Aldrich, à l'Arthur Penn de Bonnie and Clyde et surtout de Mickey One, référence qui vient irrésistiblement à l’esprit devant cette succession d'images- chocs, cette bourrasque de violence vengeresse, blessée, qui n’épargne personne et saccage toutes les conventions), mais équipée qui ne vaut pas seulement pour la splendeur crépitante du spectacle, l’enchevêtrement frénétique de situations qui se moquent des invraisemblances et nous entraînent parfois aux limites d’un univers baroque, fantastique et quasi surréel qui appartient à La sensibilité et à la vision de Mocky, traduites par de superbes photographies de ce grondement nocturne, de cette apocalypse au galop des voitures et des rencontres fortuites (les gardiens d’un magasin self-service soudainement transformés en personnages d’un tableau de Delvaux, ou d'un film de Polanski) mais aussi pour la signification qu’elle prend peu à peu dans la thématique du cinéaste."
Michel Capdenac