" Une héroïne espagnole, Victoria, expatriée à Berlin, où elle ne gagne que quatre euros de l’heure. Une toile de fond urbaine, la capitale allemande, à l’énergie faramineuse, même à quatre heures du matin quand le monde propret de Madame Merkel dort. Un récit de 2h10 top chroni auquel s’adapte un plan-séquence totalement ahurissant, tant il est structuré, pertinent et vivant.Tel est donc le programme de Victoria, thriller d’un nouveau genre, Grand Prix mérité à Beaune, Prix du Public à Berlin, auréolé d’une réputation plus qu’élogieuse qui érige ce film en oeuvre générationnelle et en une date manifeste dans l’histoire du 7e art qui compte bien peu de plan-séquences aussi complets, aboutis et surtout aussi justifiés.
On dit tout, on dit rien. Victoria est surtout une oeuvre de l’ordre de l’expérience, où le mieux serait d’en savoir le moins en entrant dans la salle, afin d’appréhender au mieux le déroulement narratif qui suit la chronologie exacte imposée par la montre (...).
Il peint le portrait d’une jeunesse avide de vie, d’un besoin de s’oublier, dans l’alcool, la drogue, le monde de la nuit. On suit donc Victoria, une Espagnole expatriée que la crise a probablement balayée de son pays ; on l’accompagne dans son périple nocturne, où tout semble possible, notamment dans les rencontres, spontanées, de celles qui façonnent une vie et que la jeune femme semble vouloir provoquer. Des rencontres inhérentes à la jeunesse qui n’a de compte à rendre à personne, mais qui a tout à construire, car demain, c’est quand même un peu aujourd’hui, aussi insouciante soit-elle.
L’énergie déployée par le cinéaste à recréer l’ADN berlinoise donne l’impression d’assister dans un premier temps à un conte romantique bouleversant de liberté. A la sortie du club, Victoria se lie à un groupe de jeunes gens déchirés, mais festifs. Le film va-t-il relater, à sa façon, les premiers balbutiements d’une histoire d’amour naissante, en 2h14, top chrono ? Va-t-il entraîner le personnage féminin dans une descente aux enfers ? L’antre tagué de la boîte de nuit, premier décor du film, crée de toutes pièces pour les besoins de la narration, semble auquel cas un point de départ approprié, tellement il paraît infernal. Victoria semble à un carrefour de sa vie où chaque décision, chaque acte vont avoir leur importance. Le plan-séquence de 2h14 n’en est que la réflexion cinématographique, soulignant la spirale de conséquences que peuvent avoir chaque décision la plus anodine. Le cinéma qui est écrit et l’aboutissement d’un travail artificiel de post-prod, devient ici l’art de la spontanéité. En dépit de la grande préparation de l’équipe du film, à jouer et répéter ce tournage insensé, le parcours de Victoria, plus que peut-être dans n’importe quel autre film, revêt un caractère impromptu. Les décisions naissent à l’écran, elle sont prises dans la halte, la panique, le stress, la peur, où l’euphorie éphémère de stupéfiants.
Victoria, le film, est ainsi aussi fulgurant qu’un coup de foudre sous ecstasy qui amplifie l’acuité sensorielle et évacuerait presque la notion de danger, inscrite dans les gênes mêmes de cette rencontre nocturne entre cette jeune femme et ce groupe de garçons borderline. Dans cet environnement de noctambule, le film est porté par un casting habité par des émotions inimaginables. Les acteurs sont comme possédés par leurs personnages ; la fatigue d’un tournage de nuit et la pression de l’exercice qui ne peut laisser place à l’erreur, soit-elle la plus infime, les poussent au bout de cette expérience insolite où toutes fins, des plus belles aux plus tragiques, semblent vraisemblables, notamment pour l’héroïne éponyme.Magnifiquement jouée par l’actrice Laïa Costa, une révélation, la jeune femme est surtout le symbole d’une jeunesse européenne en pleine crise, à qui l’on a fait miroiter les mirages de l’économie du "bon élève de l’Europe", et pour qui la réalité tourne au cauchemar éveillé. Finalement, au-delà du thriller implacable, le film de Sebastian Schipper pourrait presque se définir comme une tragédie sociale (...). "
Frédéric Mignard
Tourné en un plan-séquence de 2h10 sans trucage, Victoria est une véritable prouesse technique. Mais rarement un parti pris aussi extrême n'aura été si... Lire la suite
Ninadema au sujet de
Victoria
Super film qui captive et bluffe par la performance d'une mise en scène puissante et discrète à la fois. On ressort soufflé de cette nuit berlinoise sans... Lire la suite
rdubois au sujet de
Victoria